SENSIBILISATION

Pour une utilisation responsable des écrans

Les adultes qui côtoient des enfants au quotidien jouent un rôle crucial dans leur développement. Que vous soyez parent, éducateur.trice ou encore responsable d’un service de garde (RSG), votre présence fait toute la différence. Grâce à vous, les petits développent leurs habiletés et acquièrent de nouvelles connaissances en plus d’être soutenus dans leurs découvertes et leurs initiatives. Il y a de fortes chances que les enfants imitent vos paroles, vos gestes et vos habitudes. Ils peuvent même parfois faire de vous leur idole! Voici quelques informations qui pourraient vous aider à être des adultes informés, heureux et conscients de leur influence.

Les récentes recherches en neurosciences affectives et sociales démontrent à quel point le cerveau d’un jeune enfant est immature et en pleine construction. Le bébé vient au monde avec 100 milliards de neurones et au fil des heures et des jours, des connexions entre ces neurones se créent; certaines sont éliminées et d’autres se solidifient. Une chose est certaine : les adultes qui entourent l’enfant ont une influence déterminante sur la construction des synapses (connexions entre les neurones) et le développement de son cerveau, particulièrement au regard de la construction du cortex préfrontal. Cette zone importante permet à l’enfant de mieux réfléchir, imaginer et réguler ses émotions.

Plus l’environnement de l’enfant est riche en interactions positives, en expériences variées et en relations sécurisantes, plus il a de chances de se développer harmonieusement sur les plans physique et moteur, langagier, affectif, social et cognitif. 

Au cours des dernières années, les statistiques l’ont bien démontré : les écrans occupent une place de plus en plus grande dans nos vies d’adultes, mais aussi dans la vie des adolescents et des enfants. Faut-il s’en préoccuper?

La place positive des écrans dans nos vies

D’entrée de jeu, il faut reconnaître que les écrans font maintenant partie de nos vies personnelles et professionnelles et qu’ils sont très pratiques! Ils nous permettent de nous informer, de prendre des rendez-vous, de faire des achats, d’aller chercher des informations sur le développement de nos enfants et leur état de santé, de communiquer avec le milieu de garde ou avec des parents et grands-parents qui habitent peut-être loin de chez nous et même de les voir en temps réel! Il s’agit de progrès technologiques importants, et nous sommes chanceux de faire partie d’une société dans laquelle ces moyens technologiques sont accessibles et abordables.

Cela étant dit, de récentes recherches mettent en évidence les effets néfastes possibles des écrans sur nos vies (problèmes de dépendance, augmentation du niveau de stress, anxiété, dépression, problèmes de sommeil et de concentration, faible estime de soi, sédentarité, etc.). Des études pointent du doigt les écrans comme étant responsables de certains retards de développement chez les jeunes enfants. 

En tant que parent, éducateur.trice ou RSG, vous vous demandez peut-être quelle place devrait occuper les écrans dans la vie d’un jeune enfant. Voici quelques informations afin de vous aider à prendre position et à faire des choix conscients pour une utilisation responsable du numérique.

Temps d’écran recommandé

Étant donné que le cerveau des enfants est encore bien immature, ils ont besoin des adultes pour les guider et les accompagner dans l’usage des écrans (télévision, ordinateur, tablette, téléphone intelligent et jeux vidéos). 

L’équipe de Naître et grandir a publié la fiche « Les écrans et les enfants » en juin 2019 qui présente les recommandations émises par la Société canadienne de pédiatrie (SCP) et les Directives canadiennes en matière de comportement sédentaire :

Pour les enfants de moins de 2 ans : aucune exposition à la télévision ou à tout autre écran n’est recommandée.

Pour les enfants de 2 à 5 ans : on recommande de ne pas passer plus de 1 heure par jour devant un écran, que ce soit la télévision, la tablette, le téléphone ou tout autre appareil qui possède un écran.

Pour les enfants de 5 ans et plus : la Société canadienne de pédiatrie (SCP) ne recommande aucun temps d’écran maximal. La SCP prône plutôt pour une saine utilisation des écrans qui ne nuit pas aux activités scolaires, au goût pour l’activité physique, à la qualité du sommeil et aux activités sociales des jeunes.  Il faut garder en tête que ce sont ces activités qui doivent être priorisées.

Pour leur part, les Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heures recommandent un maximum de 2 heures par jour de temps écran pour les enfants de plus de 5 ans.

NAÎTRE ET GRANDIR. Les enfants et les écrans. https://naitreetgrandir.com/fr/etape/1_3_ans/jeux/fiche.aspx?doc=ecrans-jeunes-enfants-television-ordinateur-tablette

Pourquoi les écrans sont-ils si captivants?

Les écrans sont remplis de couleurs, de détails et de mouvements. On peut rapidement changer de page, découvrir du nouveau contenu, jouer à différents jeux et recevoir des félicitations ou des récompenses en quelques clics ou mouvements du doigt. Lorsqu’on « clique » sur un contenu et que celui-ci se dévoile, un « circuit de récompense » s’active dans le cerveau. L’organisme produit alors de la dopamine, aussi connue sous le nom « d’hormone du plaisir ». En d’autres mots, une réponse chimique est activée dans le corps. Au fil des minutes, des heures et des jours, plus le contact avec les écrans stimule la sécrétion de dopamine, plus on recherche ce plaisir que procurent les écrans. Il faut donc être prudent : les écrans peuvent créer une dépendance si on s’en sert trop souvent ou si on les utilise pour « se calmer » ou pour « éviter de vivre une émotion difficile ou une situation angoissante ». 

Il faut donc être conscient de sa façon d’utiliser les écrans. Si l’on s’en sert pour s’informer et s’amuser, mais pas trop longtemps, il n’y a aucun problème! Par contre, si les écrans remplacent le temps que l’on aurait pris pour faire du sport ou avoir de vrais contacts avec de vrais humains, alors là, il y a peut-être lieu de se questionner.

Quelques données préoccupantes

Les écrans sont devenus le plus grand défi des parents, selon une enquête présentée dans le Journal de Québec le 8 janvier 2022. 44 % des parents trouvent que l’utilisation des écrans par les enfants est préoccupante, même plus que la santé mentale et la conciliation travail-famille. https://www.journaldequebec.com/2022/01/08/les-ecrans-devenus-le-plus–grand-defi-des-parents

Développement du langage : les enfants de moins d’un an qui commencent à regarder la télévision deux heures et plus par jour courent six fois plus de risques de souffrir de retards de développement du langage (étude citée dans Labbé et collab., 2020, p. 19). Il a aussi été démontré que le fait de regarder un écran le matin avant d’aller à l’école est associé à trois fois plus de risques de présenter un trouble primaire du langage (La surexposition des enfants aux écrans pourrait être le mal du siècle, Le Monde, 10 décembre 2021, https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/12/10/la-surexposition-des-enfants-aux-ecrans-pourrait-etre-le-mal-du-siecle_6105445_3232.html).

Problèmes de sommeil, hormones de croissance et consolidation des apprentissages : une exposition prolongée aux écrans dans une journée peut occasionner des troubles du sommeil pouvant aller d’une difficulté d’endormissement à l’insomnie. En effet, quand le cerveau est exposé à la lumière anormalement vive d’un écran, la production de mélatonine (une hormone qui envoie le signal qu’il est temps de dormir) est inhibée, et les biorythmes naturels sont perturbés. Un faible taux de mélatonine a également été associé à des états dépressifs et à des maladies inflammatoires. On a aussi établi un lien entre la « lumière nocturne » et certaines irrégularités hormonales, notamment un faible taux d’hormones de croissance. (Kasuya et collab., cité dans Dunckley, 2020, p.62-63). Même une brève exposition aux écrans en soirée peut retarder l’endormissement, supprimer la phase de sommeil paradoxal (qui est essentielle pour « faire le ménage » dans les connexions synaptiques et consolider les apprentissages) et empêcher la température corporelle de chuter à un degré propice au sommeil profond.

Sédentarité, prise de poids et problèmes de santé physique et émotionnelle : les écrans peuvent conduire à l’adoption de comportements sédentaires qui engendrent une prise de poids. La privation de sommeil et la sédentarité entraînent des risques élevés pour la santé : troubles émotionnels et cognitifs, baisse de la motivation, troubles cardiovasculaires et hausse du risque de diabète.

Problèmes de myopie et diminution du temps passé à l’extérieur : un nombre croissant d’experts recommandent de traiter la myopie comme une question de santé publique, puisqu’elle est de plus en plus diagnostiquée en bas âge et accentuée. Les écrans pourraient être en partie responsables de cette hausse marquée de la myopie en bas âge, notamment parce que l’œil ne s’exerce pas à « regarder au loin ». De plus, comme les écrans sont utilisés à l’intérieur et qu’ils sont très captivants, les chercheurs notent également une diminution considérable du temps passé à l’extérieur, alors que le fait de jouer dehors, l’exposition à la lumière du jour et un environnement qui procure un vaste champ de vision apportent des bienfaits notables sur l’humeur et le développement global des enfants, en plus d’exercer l’œil à « regarder au loin ». Le directeur de l’École d’optométrie de l’Université de Montréal, Dr Langis Michaud, a récemment signalé le problème grandissant de la myopie chez les jeunes. Celle-ci peut même présenter un risque de perte de vision importante pouvant mener jusqu’à la cécité vers l’âge de 65 ans.

Comportement et gestion des émotions : une étude publiée dans la revue Pediatrics en 2014 rapporte que les enfants qui sont jugés comme « difficiles à calmer » à neuf mois et pour lesquels les parents recourent aux écrans regardent davantage la télévision à deux ans que la moyenne des enfants du même âge. Il est donc plus approprié d’aider le jeune enfant à gérer ses crises à l’aide d’autres stratégies que le recours aux écrans, qui peut créer chez lui une habitude difficile à modifier.

Pour une utilisation responsable des écrans : quelques conseils

Le cerveau des jeunes enfants est en pleine construction. En bas âge, il est préférable de varier les sources de stimulation pour que les enfants développent leurs habiletés sensorielles et motrices (marcher, sauter, jouer, ramper, courir et grimper), langagières (s’exprimer avec des mots, acquérir du nouveau vocabulaire et chanter), cognitives (développer son raisonnement en manipulant des objets, inventer et construire) et, bien sûr, des compétences sociales et affectives (construire son identité, s’affirmer dans le respect et apprendre à interagir de façon harmonieuse avec les autres).

Prenez conscience des moments durant lesquels les enfants se retrouvent devant un écran. Ces moments sont-ils nécessaires? Éducatifs? Encadrés? De courte durée? Que pourrait-on proposer à la place d’un écran? Notre site regorge d’idées!

Le temps d’écran doit être contrôlé dès les premiers moments où l’enfant est en contact avec cette technologie. Soyez présent et choisissez des contenus éducatifs et pacifiques

À la maison, si vous avez recours aux écrans, mettez des limites de temps (par exemple, une minuterie) et lorsque ça sonne, hop, c’est terminé! On ne s’en porte pas plus mal et on va faire autre chose! Vous êtes des modèles importants!

Respectez les 4 « PAS » (moment où il n’y a PAS d’écran) : pas le matin, pas dans la chambre, pas pendant les repas et pas avant de se coucher. Une règle qu’on peut afficher sur le frigo!

Le principal modèle de l’enfant en matière de numérique, c’est son parent ou tout autre adulte qui occupe une place importante dans sa vie. Faites attention à votre temps d’écran devant les enfants. Si vous devez vraiment utiliser votre téléphone, dites-leur que vous allez « prendre votre téléphone pour vérifier si… » et refermez-le aussitôt que possible. Vous envoyez ainsi le message que les écrans peuvent être pratiques, mais qu’il y a des moments où ils ne sont pas nécessaires. À l’inverse, si les notifications de votre téléphone retentissent chaque minute ou pendant que vous passez un moment de qualité avec un enfant, vous envoyez le message que votre appareil occupe une place importante dans votre quotidien. Si, en plus, vous regardez vos messages ou textos dès que vous entendez « ding », vous n’êtes plus totalement présent pour l’enfant et vous laissez supposer que les notifications passent en premier lieu. C’est un pensez-y-bien!

Au service de garde comme à la maison, dressez une liste d’activités amusantes que vous pouvez faire au lieu d’utiliser les écrans. Affichez-la sur le réfrigérateur et soyez prêt! Voici quelques idées : faire une bataille d’éponges ou d’oreillers, jouer avec des instruments de musique réels ou inventés, aller glisser dehors, aller explorer la forêt, aller à la bibliothèque, à la piscine, à la salle de quilles ou à l’aréna, faire des montagnes de blocs ou de Lego, jouer à toucher différentes textures dans un bac sensoriel, sortir le bac de déguisements et se déguiser devant un grand miroir, organiser un coin de bricolage et de dessins, regarder de nouveaux livres ou encore faire un parcours psychomoteur dans la maison ou la cour!

Résistez à la tentation de mettre un écran entre les mains d’un enfant durant un moment d’attente ou un déplacement. Profitez de ces occasions pour lui apprendre à s’occuper et à attendre sans écran. Notre site Internet contient des idées pour occuper les enfants sans écran durant plusieurs moments de vie au service de garde et aussi, pour les parents, lors des déplacements en voiture, les moments d’attente au restaurant, dans la salle d’attente du dentiste ou du médecin.

La constance et la cohérence sont essentielles : soyez juste et équitable! Si la règle consiste à ne pas utiliser d’écran avant le dîner ou à table, alors tout le monde doit s’y conformer, même votre adolescent qui habite avec vous ou un autre adulte qui est présent. Une personne qui n’est pas capable de « décrocher » envoie un message préoccupant…

En tant que parent, réorganisez la disposition des applications sur votre téléphone ou tablette en ne plaçant pas en évidence les contenus et jeux qui pourraient être « tentants » sur l’écran d’ouverture. Vous éviterez bien des frustrations si jamais les enfants voient l’image de leur application favorite dès que vous activez votre appareil…

Pour tous les éducateurs.trices, RSG et parents : portez une montre au lieu de vous servir de votre cellulaire chaque fois que vous voulez savoir l’heure. Vous serez alors un très bon modèle!

Utilisez le mode « Avion » aussi souvent que possible lorsque vous êtes en présence d’enfants.

Attention au surpartage parental : partager des photos d’enfants sur les réseaux sociaux peut paraître bien amusant, mais cela pourrait l’être un peu moins dans quelques années, lorsqu’ils seront des adolescents ou de jeunes adultes. D’autres personnes de leur entourage pourraient utiliser ces images à des fins pas toujours très bien intentionnées. Oui, on les aime et oui, ils sont beaux; on peut toutefois leur dire en personne et partager sa fierté avec ses amis et sa famille lorsqu’on les voit ou encore leur envoyer des images en privé ou par courriel.

Conclusion

Merci pour votre intérêt envers la question des écrans. Comme vous l’avez sûrement compris, le but n’est pas de les éliminer, mais plutôt de les utiliser de manière responsable. En présence d’enfants, vaut mieux limiter l’utilisation des écrans et profiter de ce temps précieux pour initier la communication, proposer de nouvelles expériences motrices, jouer dehors et leur donner beaucoup d’amour!